Cancer : le mastocytome cutané canin

Définitions.

Le mastocytome cutané canin correspond à un cancer de la peau qui se traduit le plus souvent par l’apparition d’un nodule sous la peau ou à sa surface (cf photo1).

Mastocytome cutané nodule

Mastocytome : Nodule sous cutané

Dans cette définition, le mot cancer signifie, à la différence d’une tumeur bénigne, que le mastocytome est capable de récidiver (c’est-à-dire « repousser » au même  endroit, à proximité de la cicatrice et ce après exérèse chirurgicale) et/ou de métastaser (c’est-à-dire de développer des lésions secondaires à distance et plus profondément dans l’organisme). Pour certaines races, il existe même un troisième risque d’origine génétique (génome de ces animaux) et qui correspond au développement successif simultané ou retardé (parfois plusieurs mois ou années après que la première tumeur ait été traitée correctement) de plusieurs lésions sur le même individu.

Ces risques sont existants pour l’ensemble des chiens présentant un mastocytome  mais, pour un chien donné, le pronostic, la décision de traiter et le choix des traitements à réaliser dépendent de deux éléments fondamentaux qui doivent être évalués avant toute décision : le bilan d’extension et la détermination la plus précise possible de la nature histologique de la tumeur.

Bilan d’extension.

Il s’agit de se demander si la maladie, par l’intermédiaire de quelques cellules tumorales,  a commencé ou pas à se disséminer ailleurs dans l’organisme. Et si oui, dans quels organes. En fonction de l’étendue de cette dissémination, le pronostic varie énormément : il est plus facile de traiter un nodule unique sur la peau que ce même nodule avec ses métastases au foie, la rate… ou/et à la moelle osseuse…

Le bilan d’extension est donc une étape essentielle dans la détermination du pronostic. Il comprend un certain nombre d’examens complémentaires qui vont permettre de définir ce que nous appelons le stade de la maladie. Ce dernier varie de 1 à 4, du bon au plus mauvais pronostic. Les examens nécessaires à sa réalisation sont :

  • Une inspection rigoureuse de toute la surface cutanée à la recherche d’une éclosion multicentrique, c’est-à-dire de plusieurs lésions simultanées  (qui définit d’emblée un stade 3)
  • Un examen des ganglions drainant le territoire où se situe la tumeur. Dans la mesure où ce ganglion est palpable et accessible, il doit faire systématiquement l’objet d’une ponction pour examen cytologique ; il peut être parfois nécessaire de réaliser des examens d’imagerie pour déterminer quel est le bon ganglion à évaluer (appelé alors ganglion sentinelle). Une atteinte du ganglion définit à minima un stade 2.
  • Une échographie abdominale avec si possible des ponctions de la rate et du foie pour examen cytologique.

    Ganglion métastatique vu en échographie lors d'un bilan d'extension de mastocytome

    Ganglion métastatique vu en échographie lors d’un bilan d’extension de mastocytome

  • Une ponction de moelle osseuse pour réaliser un myélogramme.
  • Dans de rares cas, des radiographies du thorax pourront être réalisées. Celles-ci ne seront en aucun cas le seul examen complémentaire réalisé lors du bilan d’extension du mastocytome chez le chien.
  • Le scanner fait rarement partie du bilan d’extension du mastocytome. Sa réalisation se fera surtout en prévision des chirurgies difficiles (tumeurs volumineuses ou mal placées)

En fonction des résultats de l’ensemble de ces examens complémentaires, le chien se verra attribuer un stade clinique (de 1 à 4), sorte de note associée à un pronostic.

Par exemple, pour les chiens présentant une atteinte du foie, de la rate ou de la moelle osseuse, nous  conclurons à un stade 4, et annoncerons de ce fait un très mauvais pronostic : de 1 à 3 mois de survie sans traitement complémentaire à la chirurgie. L’exérèse de la tumeur initiale devra alors être bien réfléchie avant sa réalisation et surtout, impérativement suivie d’un traitement adjuvant.

Détermination des critères histologiques.

Une fois retirée chirurgicalement, la tumeur doit être soumise à une analyse histologique minutieuse et complète. La totalité de la pièce d’exérèse doit être envoyée au laboratoire pour évaluation. Les éléments fournis par cette analyse sont essentiels à la détermination du pronostic. :

  • Classification de la tumeur selon un grading spécifique (de Patnaik ou de Kiupel), les grades définis comme élevés (haut grade) sont de mauvais pronostic.
  • Index mitotique : c’est-à-dire la vitesse à laquelle les cellules tumorales se multiplient. Plus elles se multiplient vite, plus la tumeur pousse vite et plus son pronostic est mauvais.
  • Indice de prolifération Ki67 : il s’agit d’une autre méthode d’évaluation de la multiplication cellulaire. Elle est plus efficace, plus précise que l’index mitotique pour déterminer le pronostic. Le seuil pronostique est habituellement de 10%, un résultat supérieur à cette valeur indiquant un mauvais pronostic.
  • Qualité des marges d’exérèse : celles-ci permettent de déterminer si l’acte chirurgical a permis de bien retirer toute la tumeur et si un risque de récidive locale existe ou non. Elles peuvent être saines (risque de récidive faible), infiltrées (risque de récidive très important) ou douteuses.
  • Présence d’emboles vasculaires : elles correspondent à la visualisation de cellules cancéreuses dans les vaisseaux sanguins ou lymphatiques. Elles démontrent que les cellules cancéreuses ont commencé à gagner  la circulation sanguine  ou lymphatique et peuvent se fixer dans d’autres organes pour donner naissance à d’éventuelles futures métastases. Leur présence est donc un facteur de mauvais pronostic évoquant un fort risque de métastase.
  • Recherche d’une mutation de c-kit : ce test difficile d’accès en France n’est utile que lorsqu’on envisage un traitement spécial dit par thérapie ciblée (cf. infra)

Bilan général

Un bilan général de santé (examen clinique, examen cardiaque, bilan sanguin) est parfois nécessaire, il a pour but de vérifier que l’animal est suffisamment en bonne santé pour pouvoir recevoir les futurs traitements (chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie).

Les différentes possibilités de traitement

En fonction des résultats du bilan d’extension et de l’analyse histologique, le vétérinaire pourra déterminer le pronostic, les risques encourus par l’animal (récidive et/ou métastase) et déterminer, de manière rationnelle les traitements à utiliser. Tous les traitements existants ne doivent pas forcément être utilisés, ils doivent être choisis en fonction des risques existant pour chaque cas individuel.

Traitement de la maladie locale/gestion du risque de récidive : la chirurgie et la radiothérapie

La chirurgie

L’exérèse chirurgicale de la tumeur reste le traitement de base du mastocytome. C’est le traitement qui permet à lui seul le plus de guérison. Par contre, le risque métastatique (principalement défini par les critères histologiques) n’est pas du tout géré par la chirurgie, un traitement médical complémentaire est alors impératif. Pour être efficace et gérer correctement le risque de récidive, la chirurgie doit être la plus intense possible en première intention. Elle doit ainsi être très large, c’est-à-dire que le chirurgien doit enlever au moins 2 à 3 cm de tissu sain autour de la tumeur. Les exérèses dites  a minima, au ras de la tumeur, sont le plus souvent vouées à l’échec. Dans certaines localisations (membres, tête) le chirurgien pourra être amené à réaliser des techniques de reconstruction complexes (lambeaux cutanés par exemple) pour fermer la plaie sans tension.

La radiothérapie

Elle est le traitement complémentaire local de choix de la chirurgie. Son but principal est d’éviter la récidive. Son indication est souvent basée sur la qualité des marges définie par l’examen histologique (ce qui explique pourquoi il est essentiel d’envoyer toute la pièce d’exérèse à l’analyse et pas uniquement un fragment de celle-ci qui ne permettrait pas de connaître le statut des marges). Si les marges sont infiltrées après une chirurgie large, la radiothérapie est réellement indiquée. On peut également la mettre en place lorsque celles-ci sont douteuses. Sur le plan pratique, la radiothérapie que nous pratiquons est composée de 4 ou 5 séances réalisées sous anesthésie générale pendant une hospitalisation de 5 jours minimum. Ces anesthésies générales sont cependant de courte durée et peu profondes car le traitement n’est pas douloureux et impose simplement à l’animal de ne pas bouger pendant la séance. Les effets secondaires  lors de radiothérapie cutanée sont peu fréquents (20 % des cas environ)  et le plus souvent peu marqués.

Traitement de la maladie à distance/gestion du risque de métastase : la chimiothérapie et la thérapie ciblée

La chimiothérapie

Celle-ci est surtout indiquée pour gérer le risque métastatique défini par l’analyse histologique. Elle peut dans certaines conditions bien précises être utilisée également pour gérer le risque de récidive mais la radiothérapie devra lui être préférée si celle-ci est possible. Son but est de parvenir à tuer les cellules cancéreuses résiduelles dans l’organisme. Le protocole le plus classique et le mieux supporté comprend 8 injections intraveineuses, le produit utilisé est alors la vinblastine. Les 4 premières séances sont réalisées à une semaine d’intervalle, les 4 suivantes à 15 jours. Chaque séance nécessite, pour des raisons légales, une journée d’hospitalisation. Les effets secondaires de ce protocole sont très peu fréquents (moins de 5% des cas) et peu intenses. La chimiothérapie est souvent associée pour le traitement du mastocytome à une corticothérapie. Dans cette indication, elle a fait ses preuves et permet de multiplier par 3 le taux de guérison à 2 ans.

La thérapie ciblée.

Il s’agit d’un nouveau moyen de traitement des cancers mais qui n’est pas de la chimiothérapie. Deux produits existent aujourd’hui en médecine vétérinaire, le Masivet ND et le Palladia ND. Il s’agit, dans les deux cas, de comprimés à distribuer à la maison donc sans hospitalisation. Mais, ces traitements qui paraissent attirants dans leur pratique, présentent quelques points négatifs :

  • Ils sont globalement plus toxiques que la chimiothérapie.
  • leur durée d’utilisation optimale n’est pas encore bien définie par les données de la science
  • leur coût est élevé notamment pour des chiens de grands gabarits.
  • surtout, ils demeurent palliatifs par principe, car ils ne tuent pas les cellules cancéreuses mais les empêchent simplement de se multiplier.

La thérapie ciblée doit donc être réservée à des situations bien précises et surtout ne doit pas être choisie par souci de simplicité ou pour éviter les hospitalisations sans avoir bien conscience des risques d’échec encourus.

En conclusion, le mastocytome cutané du chien est une tumeur au comportement complexe dont la prise en charge pré-chirurgicale est bien codifiée pour définir correctement le pronostic et les traitements à réaliser. Chaque cas est particulier et chaque modalité thérapeutique doit être bien réfléchie avant son application.

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