
Cancérologie vétérinaire : quels traitements ?
Parce qu’un traitement bien conduit est un traitement bien suivi, il doit être aussi bien compris. Voici donc expliqués simplement les différents traitements utilisés en cancérologie vétérinaire.
Tout comme en cancérologie humaine, la cancérologie vétérinaire dispose de 3 outils principaux pour lutter contre les tumeurs :
- La chirurgie
- La radiothérapie (les rayons)
- Les traitements médicaux dont la chimiothérapie.
Comment se fait le choix entre ces traitements ? Pourquoi choisissons-nous parfois la chirurgie plutôt que la chimiothérapie, parfois l’inverse, parfois une association de plusieurs de ces outils… ?
La décision dépendra toujours de plusieurs critères qui sont :
- Le type de tumeur
- L’extension de la tumeur
- Des considérations pratiques, éthiques ou financières
Pour bien comprendre, rappelons d’abord les avantages et limites de nos 3 outils :
1/ la chirurgie oncologique ou chirurgie anti-cancéreuse :
C’est l’arme anticancéreuse par excellence, celle qui sera la plus souvent utilisée et qui permet à elle seule le plus de guérisons. Elle consiste à retirer la tumeur à l’occasion d’une intervention chirurgicale. Elle permet donc de réduire rapidement, en un seul acte, le nombre de cellules tumorales présentes dans l’organisme malade, parfois de les enlever toutes. Mais elle présente plusieurs limites :
- Elle doit être réalisable … par exemple, une tumeur au milieu du cerveau n’est évidemment pas opérable…. Autre exemple, une tumeur très volumineuse qui une fois retirée, parce qu’elle couvrait une grande surface, laisse une plaie très large que le chirurgien ne peut pas refermer.
- Elle ne traite qu’une masse à la fois. Comprendre ici qu’une tumeur qui aurait produit des métastases à distances, c’est-à-dire d’autres amas, d’autres nodules cancéreux ailleurs dans l’organisme que sur le site d’origine de la tumeur, ne pourra être soignée chirurgicalement. En effet à quoi servirait-il par exemple de retirer une tumeur de la mamelle si nous avons constaté des métastases dans les poumons ? Le même problème se pose lors de tumeurs très nombreuses sur un même site (20 tumeurs cutanées par exemple, ou lors d’atteinte de tous les lobes hépatiques…)
- Pour être efficace elle doit si possible prendre une marge de sécurité. Localement de nombreuses tumeurs ont tendance à envahir les tissus ou organes avoisinants. Si le chirurgien se contente de retirer la masse visible et palpable, il risque de laisser des ramifications invisibles qui entraineront une récidive.
- Le risque anesthésique, le risque d’infection sont ses principales complications
2/ la radiothérapie :
Elle consiste à faire subir à la tumeur les effets délétères des rayonnements dit ionisants. L’objectif est bien sûr de tuer les cellules tumorales grâce à ces rayonnements. Ses limites :
- Les rayonnements ionisants traversent toute la matière et donc, aussi bien les tissus tumoraux que sains. Il faut donc, pour éviter les effets secondaires, bien viser la tumeur uniquement ! Pour cette raison la radiothérapie, comme la chirurgie, est un traitement local des tumeurs : on ne traite jamais le corps tout entier en radiothérapie. Autrement dit, son seul objectif est de limiter le risque de récidive locale et elle n’a aucun effet sur le risque de métastase.
- La radiothérapie nécessite d’endormir l’animal et, son hospitalisation : au moins 1 semaine (cas de la curiethérapie qui est une modalité de radiothérapie, celle utilisée à la clinique Alliance) ou 4 semaines au plus (en radiothérapie dite externe)
- le risque d’inflammation ou de brulure à court terme, le risque de fibrose ou de nécrose à long terme sont les principales complications de la radiothérapie.
3/ la chimiothérapie :
Dans ce cas on utilise des médicaments qu’on administre soit par injection ou perfusion (cas le plus fréquent), soit par voie orale. Le médicament diffuse alors dans tout le corps et tue spécifiquement les cellules en division. Or les tumeurs sont constituées de cellules en division. On a donc théoriquement un effet anti tumoral puissant. La chimiothérapie est donc la seule arme anti tumorale potentiellement active sur les métastases. Mais, les limites sont :
- certaines tumeurs sont composées de cellules qui se divisent peu ou lentement. Elles seront donc moins sensibles à cet outil anti tumoral.
- Tous les types tumoraux ne présentent pas la même sensibilité à la chimiothérapie
- Dans un organisme sain, de manière normale, il existe de nombreuses cellules en division : les cellules du tube digestif, les cellules de la moelle osseuse responsables de la production des cellules sanguines,… toutes ces cellules saines sont donc elles-aussi sensibles aux chimiothérapies. C’est pourquoi les chimiothérapies peuvent induire plusieurs effets secondaires : vomissements, diarrhées, diminution des globules blanc circulants dans le sang….
- La chimiothérapie oblige à une hospitalisation à minima d’une nuit et, pendant les jours qui suivent le traitement, à la prise de précaution avec les urines et les selles de l’animal traité.
Conclusion :
Toutes ces caractéristiques conduisent à définir une stratégie spécifique à chaque tumeur et à chaque situation. Quelques exemples !
- un fibrosarcome sous cutané de chat : il s’agit d’une tumeur cutanée qui métastase peu (15 à 20% des cas selon les études) mais qui présente une tendance forte à la récidive. Donc,
- si le bilan d’extension ne révèle aucune métastase, cas le plus fréquent, on utilisera les outils anti tumoraux à action locale : chirurgie puis radiothérapie.
- Si le bilan d’extension révèle des métastases, on n’aura plus d’autre alternative que d’essayer un traitement par chimiothérapie (mais la démarche est alors d’emblée palliative)
- Un lymphome canin communément appelé « cancer des ganglions » est un processus tumoral qui envahit d’emblée plusieurs ganglions dans l’ensemble du corps. Dans ce cas il faudra donc utiliser un outil à action générale, donc la chimiothérapie.
- Un mastocytome canin qui peut présenter à la fois un risque de récidive locale et un risque de métastase : on combinera parfois chirurgie et chimiothérapie (quand le risque de métastase est estimé élevé), parfois chirurgie et radiothérapie (quand le risque principal apparait comme le risque de récidive locale), parfois chirurgie radiothérapie et chimiothérapie (quand les deux risques sont importants)
- …etc.
Afin de déterminer la stratégie la plus adaptée, nous discutons de tous nos patients cancéreux à l’occasion d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) hebdomadaire. Ainsi le radiologue présente les résultats des examens scanner ou échographique, le chirurgien donne son avis sur la faisabilité de la chirurgie, le chimiothérapeute ou le radiothérapeute indiquent si le type tumoral est susceptible d’être sensible ou pas à leurs traitements respectifs. Une démarche globale est ainsi définie avec une organisation pratique et chronologique de toutes les modalités nécessaires à chaque patient.